Jiveli !

À l’endroit où je la traverse, la frontière entre la Bosnie et le Monténégro est époustouflante. Après les cabanes brinquebalantes des gardes-frontière, un pont enjambe la rivière Tara laissant admirer le début de la vallée qui borde la partie nord du massif du Durmitor. Il est 8h30, je dois traverser le massif sans idée d’où je passerai la nuit. Je ne le sais pas encore, mais la journée sera épique.

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Je n’ai pas réussi à avoir de la nourriture ce matin. Un café, c’est tout. La veille seulement un burek fromage. 250 grammes environ, c’est très peu. Il me restait un paquet de biscuits de l’Italie. Je l’ai englouti, mais il me reste une sensation de faim. Pas grave, j’achèterai quelque chose à Pluzine, avant d’entreprendre réellement l’ascension. Enfin c’est l’idée.

Ça marcherait si je passais par Pluzine. Mais à une intersection, Pluzine est à droite, à une distance et avec un dénivelé inconnu, alors que je dois passer par la gauche. Ça ira. Je suis fort. En avant. La route qui grimpe le col offre peu de points de vue mais est pleine de promesses.

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À l’occasion, j’escalade un rocher terreux pour avoir une meilleure vue sur les montagnes de Bosnie que je quitte. En montant, je me dis que c’est une mauvaise idée, ce sera dur de redescendre. En redescendant, ça ne loupe pas, je me retrouve le séant par terre. Pas grave, c’est pas ça qui va entamer mon moral et puis j’ai la photo.20180727_10212320180727_102141_HDR

L’ascension est longue, très longue et mon estomac est creux, très creux. C’est pas grave,  j’achèterai quelque chose là-haut, il faut juste que je pousse un peu.

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Devant ce panneau, je décide de sortir les noix grillées que je réservais pour les cas d’urgence, qu’Aurélie m’avait données quand je suis passé à Aix-les-Bains (merci !!!!). Ça me calme. Pendant 10 minutes.20180727_110033_HDR

Arrivé là haut, je suis soulagé, la nourriture est à portée de guidon. Je ne sais comment décrire le paysage, ça ressemble à un tapis vert avec d’innombrables bosses (ou de creux). C’est aussi assez désert, pas de restaurants ou de commerces à l’horizon, juste quelques moutons mais je n’ai plus de gaz dans mon réchaud. 20180727_12142820180727_123154_HDR

Heureusement, Trsa n’est pas loin. Juste 18 kilomètres. Indiqué depuis le début du massif, j’y trouverai sûrement quelque chose pour manger. Il doit être 13h30, ça va, je meurs de faim mais la délivrance est proche.

À l’intersection, Trsa est à droite, mon chemin à gauche. 4 kilomètres. 4 petits kilomètres. Mais aussi plusieurs dizaines voire centaines de mètres de dénivelé. Je ne suis pas sûr qu’il y ait quelque chose à manger, c’est un pari risqué. Ça va aller. À gauche.

Quelques kilomètres plus tard, je vois des gens dans une petite cabane autour d’une table. Ils me font signe, m’interpellent. Je m’arrête. Je demande « Ristoran ? Ristoran ? » Je pratique couramment le serbo-croate. Ils me prennent par l’épaule et m’invitent à m’asseoir. Pas le temps de dire ouf, ils ont rentré mon vélo. L’orage commence à peu près à ce moment. J’ai faim. Je vois qu’il y a du pain et du lard. J’en veux. Mais avant, il faut honorer mes hôtes, j’ai un verre d’alcool devant moi. On ne parle pas la même langue mais les instructions sont claires. Jiveli ! Ça pique. Mais ça me donne droit à du pain et du lard. Mais dès que c’est bu, le verre est à nouveau rempli. Il n’y a que des hommes et certains sont dans un état avancé d’ébriété, au moins c’est très jovial.

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Je finis par réussir à m’échapper, confiant, après plus d’une heure et quelques verres. Ils m’ont proposé de m’emmener à Zabljak en voiture, mais je pense plus prudent de refuser poliment. Je suis en pleine possession de mes moyens. Cent mètres plus loin, je tombe sur… un restaurant. Je prends un café pour me des-alcooliser et me rendre compte que mon casque n’est pas sur ma tête. Je retourne voir mes amis, je l’avais oublié sous ma chaise…

De retour sur la route, après une courte montée, une belle descente. Je peux confirmer de manière empirique que l’alcool a un effet sur la conduite. Trois sorties de route. Mais la vue est magique. Pas besoin d’aller loin pour tourner le seigneur des anneaux. Juste là, ce serait parfait.

Personne, personne sur la route. Juste avant d’atteindre le point culminant, je croise un compagnon cyclotouriste qui fait le tour du massif. Il est 16h30, je ne sais pas comment il va faire, il doit bien y avoir 80 kilomètres avec un sacré dénivelé. Je lui indique où trouver de l’eau et du šljivovica. Il a l’air plus intéressé par l’eau.

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Tout en haut, il y a un refuge, si jamais quelqu’un passe par là. Je serais resté si j’avais eu quelque chose à manger. Mais là, je m’apprête à dévaler 1000 mètres à vive allure, jamais je n’aurais le courage de remonter.20180727_171621_HDR20180727_171645

Un dernier arrêt avant la descente…20180727_174511

Je ne dévale pas d’un trait. Les vues de l’autre versant du massif sont à couper le souffle.20180727_175814_HDR20180727_181140_HDR

Arrivé à Zabljak, je suis dans la plus grande ville où je sois resté depuis Sarajevo, avec supermarché, restaurants et boulangeries. Au Monténégro pas besoin de faire de courses pour manger tant il revient peu cher de manger au restaurant ou à la boulangerie.

Je dégote un lit dans une guesthouse. Le temps est à l’orage et je n’ai pas le courage d’aller vérifier s’il y a de la place au camping. Mon hôte me reçoit selon la coutume. Cette fois, c’est de l’abricot. Pas sûr que je saurais dire la différence. Je n’ai pas encore le coup pour ne pas me faire resservir 3 fois. Surtout que ça a l’air de l’enchanter. Je n’ai pas encore mangé…

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Les sens éveillés, je peux apprécier le Durmitor de nuit et manger local.

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Autour de Zabljak, les occasions de se régaler les yeux ne manquent pas la présence de touristes est proportionnelle à la facilité d’accès en voiture, ce qui fait que certains sites sont vides ou presque. C’est le cas par exemple du panorama de Curevac.

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Par contre, le lac noir est très visité. Rien à dire, c’est beau. J’aurais juste aimé que quelqu’un me dise que le tour en vélo était une entreprise herculéenne compte tenu de l’état des sentiers déjà compliqués à pied. Ça m’aurait évité de devoir porter mon vélo sur quasiment tout le trajet, y compris sur des escaliers dont la raideur était telle qu’ils étaient équipés d’une main courante en corde.

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Pour sortir de la région, il est possible de suivre des gorges que mon hôte me dit être les plus profondes du monde après le Grand Canyon. Il faut juste prendre à droite avant le pont.

Mais avant, pourquoi se quitter sans un petit remontant ? Après tout le soleil est levé depuis 2 bonnes heures, n’est-ce pas l’heure idéale pour se nettoyer le gosier ? Jiveli ! Un autre ? Non, merci, vraiment, sans façon.

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À la faveur d’un ravitaillement, je visite une petite église que je crois orthodoxe à côté d’un joli pont de pierre.

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En direction du Kosovo, je m’arrête au parc national Biogradska Gora, où je passe la nuit. On est en altitude, l’eau du lac est très froide, mais j’ai vu une personne y nager, je ne vais pas me priver. Je tiens 45 secondes dont 40 pour faire croire à tout le monde que je n’ai pas froid.

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Le lendemain, je me mets en route pour traverser le parc par sa crête, mais me prend une grosse gamelle dès les 10 premiers mètres, avec mon vélo qui ne veut pas aller dans le même sens que moi et les poignées de frein loin de mes mains. Juste des égratignures, mais la chute m’a refroidi. Je décide de faire le tour. Je suis quand même satisfait dans la mesure où mes posts où il m’arrive des malheurs sont ceux qui recueillent le plus de vues. La prochaine fois, je ferai mieux.

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Le reste de la journée est compliqué par les orages accompagnés de fortes averses et avoir trop tardé à déjeuner. Finalement, je me pose à Goražde, à quelques kilomètres de la frontière avec le Kosovo.

Après la Croatie et la Bosnie, le Monténégro n’a pas cessé de m’enchanter, par ses paysages et son accueil. Comme en Bosnie et comme plus tard au Kosovo, je ne regrette que le fait que les routes soient si jonchées d’ordures (et je verrai à plusieurs reprises des gens en train de simplement jeter leurs ordures dans le fossé). Ça n’a pas échappé aux programmes de l’Union européenne…

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Vendredi 27 juillet

Total distance: 75.07 km
Total climbing: 2750 m

Samedi 28 juillet

Total distance: 33.65 km
Total climbing: 588 m

Dimanche 29 juillet

Total distance: 83.29 km
Total climbing: 1066 m

Lundi 30 juillet

Total distance: 92.3 km
Total climbing: 1247 m

9 réponses sur “Jiveli !”

  1. Salut Jérôme,
    Étape après étape, je trouve ton aventure époustouflante!
    Je suis admirative devant ta forme physique et ton courage !
    Ta route est belle mais semée d’embûches, de difficultés en tous genres et tu t’en sors vraiment bien.
    BRAVO !
    Merci de nous faire partager tous ces magnifiques paysages.
    Bonne route à toi.
    Continue à faire de belles rencontres.
    A bientôt.
    Bises de nous tous
    Tes cousines sont en vacances en Sicile avec Philippe et la petite Ines.

  2. Vraiment super extra la narration de tes péripéties mon Jéjé !! Merci de nous faire voyager. Tu dois avoir un foie résistant pour surpasser les quelques pauses découvertes d’alcool. Merci 😊 !!

  3. Vraiment super extra la narration de tes péripéties mon Jéjé !! Merci de nous faire voyager. Tu dois avoir un foie résistant pour surpasser les quelques pauses découvertes d’alcool. Merci 😊 !! Sais tu où tu seras fin septembre ?

    1. J’étais sûr de t’avoir répondu mais ça n’a pas marché on dirait. Merci beaucoup ! Fin septembre dans un pays en « ie » ou en « an » mais lequel, je ne sais pas encore 🙂

  4. Allez, tu reprendras encore bien un petit verre Jéjé !!!! 🙂
    Merci pour ton blog, je commence tout juste à te suivre mais apprécie déjà ta prose et tes photos. Je découvre des pays que je n’ai jamais visités, ça donne envie de bouger 🙂
    Bises de Dublin

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