Kosovo

Difficile d’ignorer le contexte géopolitique des pays que l’on traverse. En entrant au Kosovo depuis le Monténégro, c’est la première fois que j’ai droit à un tampon sur mon passeport: « République du Kosovo ». Le pays fait tout pour affirmer son existence en tant qu’Etat indépendant, mais reste bridé par une reconnaissance internationale aléatoire depuis sa déclaration d’indépendance en 2008. Pour le visiteur, cela se traduit par des incongruités : pas d’indicatif téléphonique international propre (plusieurs indicatifs coexistent en fonction de la nationalité d’origine de l’opérateur), pas d’extension internet propre mais un code pays sur les plaques d’immatriculation (RKS). Pour les nationaux, ce ne sont pas des incongruités mais de vraies causes de frustration, de ressentiment, voire de colère. Ancienne province autonome de Yougoslavie, le Kosovo partage certaines des caractéristiques des membres de la défunte fédération, mais la région dans son ensemble est avant tout un véritable patchwork de peuples, religions et langues (mon guide à Sarajevo était un inconditionnel de Tito eu égard à sa capacité à unifier les peuples en Yougoslavie). Le Kosovo se rapproche sans doute le plus de la Bosnie à plusieurs niveaux, la religion majoritaire mais aussi les relations récentes avec les Serbes n’étant pas les moindres. Avant de faire partie de la Yougoslavie, le Kosovo a brièvement été rattaché à l’Albanie et aujourd’hui encore, les Kosovars albanais représentent plus de 80 % de la population. C’est d’ailleurs l’albanais qui est la langue la plus fréquemment parlée.

Pour passer du Monténégro au Kosovo je dois encore une fois franchir un col. Durant l’ascension, le temps est indécis. Côté Monténégro une averse me surprend alors que je franchis le poste-frontière. Quelques dizaines de mètres plus haut, quand je reçois mon tampon, le ciel se dégage. J’en profite pour descendre à tombeau ouvert, confiant en ma monture et en l’état de la route et pressé de manger. 20180731_121051_HDR-EFFECTS

Sur les bas-côtés, comme sur toutes les routes que j’ai traversées dans la région, les stèles se succèdent, portant dates de naissance et de décès et souvent le portrait du défunt. Au début de mon périple, je m’étais imaginé par projection que tous étaient cyclistes avant de me rendre compte que probablement très peu d’entre eux l’avaient été. Il n’empêche. Les routes de la région n’ont de cesse de vous rappeler qu’il faut être prudent.

J’ai commencé à regarder les plaques d’immatriculation des véhicules d’un œil différent, pour me rendre petit à petit à l’évidence : la plupart des plaques étrangères que je croise en ces mois d’été sont celles de migrants de retour dans leur pays d’origine pour y passer leurs vacances. Au Monténégro, j’ai croisé un grand nombre de plaques allemandes, néerlandaises et en particulier près de Rozaje, de plaques luxembourgeoises. Vérification faite, le Monténégro est un des pays d’origine les plus importants au Luxembourg (et pour être complet, c’est aussi le pays d’origine qui voit le plus de retours forcés depuis le Luxembourg).

Au Kosovo le phénomène est amplifié par le fait que le pays semble être entièrement organisé autour des mariages. Les hôtels sont pensés pour les mariages, les magasins de robes de soirées extravagantes sont légion, et les cortèges de grosses voitures aux plaques kosovars, suisses ou allemandes ornées de rubans blancs et de drapeaux albanais (qui est celui auquel s’identifient de nombreux Kosovars) se succèdent. Les Kosovars n’en finissent pas de se marier. J’observe cela à Péja, où je passe ma première nuit. Je n’ai pas pris de photos, si ce n’est du monastère orthodoxe serbe qui se trouve en périphérie. 20180731_172544_HDR20180731_174422_HDR20180731_174000_HDR20180731_173655_HDR

En me dirigeant vers Prizren, quelques 75 kilomètres plus loin, je m’arrête pour voir plusieurs ponts ottomans qui se succèdent aux alentours de Gjakova et je note le respect inspiré par certains dirigeants européens. 20180801_11351820180801_114227-EFFECTS20180801_122819

Je suis en pleine forme, j’avance comme un bolide jusqu’à ce qu’un petit orage décide de me suivre. Bien décidé à le semer, j’accélère encore, jusqu’à ce que, dans un virage détrempé, mon train arrière décide de ne plus adhérer à la route mais de virer sur le côté. Complètement déstabilisé, je chute en pleine courbe à vive allure. Plus de peur que de mal, mais je suis quand même pas mal choqué par la chute. Elle me ripe le genou et le coude gauches et pendant quelques minutes me donne une bosse de la taille d’une demie balle de ping-pong sous la rotule (comme je n’ai pas mal quand j’appuie, je me dis que ça ne doit pas être un os). 20180801_123915 Du coup, je ralentis un peu le rythme. Le genou plie et je peux appuyer sur les pédales, c’est l’essentiel, mais je me sens un peu fébrile. Heureusement, je ne suis plus trop loin de Prizren et après avoir poussé le vélo sur une de ces longues et très raides pentes, me pose dans une auberge de jeunesse.

Le soir même et le lendemain, j’ai l’impression que tout mon corps me lâche, je me sens affaibli et décide de me reposer une journée avant de continuer. Prizren est l’endroit idéal. C’est une ville qui s’étend le long d’une rivière où se côtoient mosquées et églises et dominée par une forteresse. 20180802_103258 20180801_161014_HDRIMG-20180801-WA0010 20180802_103625_HDR-EFFECTS

Partout dans Prizren et dans le reste du Kosovo, plus que dans d’autres régions, les couleurs du drapeau de l’Union européenne sont affichées devant des projets de reconstruction, conservation ou développement. 20180731_170706_HDR 20180802_111556_HDR

La guerre reste omniprésente, que ce soit au travers de cimetières où tous les décès sont concentrés sur 3 jours, de la signalisation routière, de mémoriaux, de bâtiments en ruine ou de rares exhortations à la paix. Plus qu’ailleurs les combattants sont célébrés, particulièrement ceux de l’UCK. 20180801_13070220180801_131542_HDR20180802_140436 20180801_181155_HDR20180802_172633

Le Kosovo est un pays de très forts contrastes, où se côtoient grande pauvreté (à Prizren des touristes s’extasiaient devant des gamins qui mendiaient en jouant du tambour) et grosses voitures. Si beaucoup des personnes avec qui j’ai échangé n’avaient pas un souvenir mémorable du pays, voire me conseillaient de prendre un autre itinéraire, j’ai vraiment apprécié mon expérience et ne regrette pas d’y avoir passé quelques jours. 

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Le trajet

Mardi 31 juillet

Total distance: 72.47 km
Total climbing: 1102 m

Mercredi 1er Août

Grève du GPS, peut- être protestation fasse à la chute, je ne sais pas. Trajet Peja – Prizren, plus ou moins 75km

Jeudi 2 Août

Repos

Vendredi 3 Août

Total distance: 108.2 km
Total climbing: 1877 m

2 réponses sur “Kosovo”

  1. Merci Jeje
    Il est vrai que j attends avec grande curiosité tes récits fabuleux et vrais remplis de courage et de belles aventures humaines
    Merci pour tes infos géopolitiques qui m enrichissent
    Bravo à toi

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