Ispahan est sans doute la ville la plus agréable que nous ayons visitée en Iran – il y a de nombreux cafés, de beaux sites dont notamment la place Naqsh-e Jahan ou la grande mosquée et les rencontres que nous y faisons sont inoubliables.
Nous partageons nos journées sur place entre visites, farniente et discussions passionnantes avec des Iraniens rencontrés sur place – ils sont curieux ont de multiples questions et nous en avons tout autant pour eux. Nous avons la chance d’avoir avec la plupart des discussions très franches et ouvertes, qui nous permettent de mieux comprendre le pays. Nos réalités sont radicalement différentes.
Nous admirons les ponts qui enjambent des rivières et canaux… à sec. Depuis une dizaine d’années, l’Iran est confronté à un manque d’eau criant, résultat du changement climatique et une gestion de la ressource hydrique désastreuse (même si de multiples théories conspirationnistes nous sont exposées).
Après de très beaux moments à Ispahan, plutôt que de descendre directement vers le sud du pays, nous décidons de faire un petit détour par Yazd, plus à l’est. En prenant ce chemin, nous environnement devient moins hospitalier : la route passe au travers de vastes étendues de plus en plus désertes et le vent souffle souvent de face. Pendant des dizaines de kilomètres, il n’y a aucune âme qui vive au-delà du macadam.
Comme compensation à l’inhospitalité de l’environnement, nous avons le plaisir, encore fois, de savourer l’hospitalité iranienne. Sur la route nous croisons un iranien qui nous propose de venir passer la nuit chez lui, en nous indiquant que nous n’aurons pas le temps de passer le col qui se dresse devant nous avant la tombée de la nuit et que l’armée nous délogerait si nous cherchions à dresser notre camp dans la montagne. Convaincus, nous acceptons son invitation et nous retrouvons à dormir avec un confort inespéré (toilettes et douche !) dans une très belle bâtisse qui s’avère être une maison d’hôtes. Il fallait au moins ça pour affronter le reste de la route le lendemain, jour de gros vent.
Nous arrivons à Yazd le jour de l’Achoura, jour où les fidèles chiites pleurent la mort d’Hussein, et, pour les hommes, se frappent jusqu’au sang pour reproduire le martyr. À Yazd nous ne sommes pas témoins directs de la cérémonie, mais nous croisons des fidèles qui se pressent pour recevoir de bienfaiteurs un repas gratuit et entendons partout la chanson, entêtante, « Hussein, Hussein, Hussein… ». Elle résonnera dans nos têtes plusieurs jours après.
En dehors des moments de célébration, la vieille ville est très calme, avec peu de touristes. On se promène avec plaisir dans ses ruelles étroites et parfois couvertes, bordées de murs en terre couleur sable. Nous en profitons pour visiter la mosquée, le jardin Dolat-Abad et le temple zoroastrien (qui n’a strictement aucun intérêt).
Nous profitons également de notre passage à Yazd pour faire prolonger notre visa que nous avions reçu pour 30 jours – ce ne sera pas suffisant pour finir la traversée – ce sera fait sans encombre.
J’ai longtemps redouté la route de Yazd à Shiraz comme la plus ardue depuis longtemps : les cols que nous devons passer sont les plus élevés de tout le voyage. Pourtant elle s’avère beaucoup plus facile qu’imaginée. Nous avons les mollets aguerris, les pneus sont gonflés et les crevaisons lointaines et surtout, nous sommes loin des cols abrupts des Alpes ou du Dormitor : les montées sont longues et progressives à de rares exceptions.
À peine sortis de Yazd, nous croisons Benjamin, un cyclo allemand solitaire avec qui nous ferons une grande partie de la route jusqu’à Shiraz. On souffre pour lui : son vélo est 2 fois plus chargé que les nôtres rendant les ascensions d’autant plus difficiles pour lui. Pourtant il avance bien.
Si les paysages restent arides et désertiques, la route nous offre parfois de très belles surprises, comme ces caravansérails abandonnés, ces passages creusés entre les sommets ou encore ces plateaux qui pourraient nous faire penser que nous sommes dans les rocheuses.
Avant Shiraz, nous passons par Pasargade et Persepolis. Le premier site n’est pas très enthousiasmant (surtout après avoir vu Éphèse ou Hiérapolis) mais le deuxième l’est beaucoup plus, même si l’on regrette le manque d’explications.
Nous n’entendons que du bien de Shiraz depuis notre arrivée en Iran tout le monde nous fait miroiter la ville comme le joyau de l’Iran.
Pourtant, peut-être parce que nous en attendions tant, nous n’arrivons pas à nous sentir aussi bien à Shiraz que dans d’autres villes du pays. Peut-être aussi parce que nous commençons à être fatigués du voyage et lassés de certains aspects du pays. La ville n’est pas désagréable mais nous n’avons pas tant envie de nous y prélasser qu’à Ispahan. Nous visitons le bazar, la mosquée rose, une forteresse et quelques jardins. À celui d’Hafez nous trouvons l’atmosphère à laquelle nous aspirions et nous nous y reposons quelques instants.
Avec Shiraz, nous touchons à la fin de la traversée de l’Iran. Nous comptions faire une escale à Bandar Abbas avant de rallier Dubaï (les options sont peu nombreuses pour la suite), mais beaucoup de personnes nous ont parlé de Qeshm, une île juste en face. D’un coup, l’idée de passer quelques jours confortablement installés sur une île nous paraît attirante et c’est donc vers là-bas que nous nous dirigeons.
La route jusqu’à Qeshm nous offre nos dernières opportunités de photos. Pour la première fois depuis très longtemps nous repassons durablement sous les 1000 mètres d’altitude et les températures commencent à remonter. Alors que nous avions pu avoir froid les semaines précédentes avec des températures à un seul chiffre le soir et la nuit, nous revenons autour des 30 degrés, sous un soleil de plomb. Nous faisons de très beaux bivouacs au milieu de nulle part – les habitations demeurent rares.
Attirés par la plage et le sable chaud, nous filons. Avec plus de 130 kilomètres par jour, il ne nous en faut que 4 pour rejoindre Qeshm en prenant un bac, vraiment heureux de revoir la mer pour la première fois depuis deux mois. Lorsque nous arrivons à Qeshm, nous sommes lessivés et nous nous arrêtons dans le premier hôtel que l’on trouve, au-dessus d’un grand centre commercial à moitié vide.
Nous rêvions de plages au sable blanc, de cocktails sirotés sur la plage à l’ombre d’un palmier, mais hormis deux ou trois sites à visiter, l’île ne nous offre pas le paradis que nous espérions.
Qeshm est une zone franche. Près des villes une quantité impressionnante de bâtiments, complexes hôteliers et centres commerciaux, est en construction. Ou était en construction. Alors que l’on sent la volonté de construire un centre d’attraction économique moderne pour toute la région, la chute de la monnaie consécutive aux sanctions sur le pays semble avoir entraîné l’arrêt de tous les chantiers. Les grues et les échafaudages sont encore là mais ils rouillent. Des centres commerciaux de plusieurs étages sont ouverts mais seules quelques boutiques le sont à l’intérieur.
Qeshm demeure une destination d’attrait pour les Iraniens – nous en avons croisé beaucoup qui s’y rendaient pour le week-end ou les vacances, mais le nombre de touristes étrangers est beaucoup plus limité.

Après quelques jours sur l’île, nous la quittons en ferry à destination de Bandar Abbas. L’idée est de rejoindre les Emirats Arabes Unis par un ferry de nuit. Sur internet, nous ne trouvons des informations que sur un ferry effectuant des liaisons avec un confort relatif. Daniel, cyclo australien que nous avons croisé à plusieurs reprises nous a informé que le ferry du lundi soir avait été supprimé mais qu’il y en avait une autre le mardi. Lorsque nous arrivons au bureau de la compagnie effectuant les liaisons, les employés nous informent qu’ils n’effectuent aucune traversée le lundi mais finissent par nous informer qu’une autre compagnie, dont nous n’avons pas entendu parler, en fait peut-être. Lorsque nous arrivons au port, nous avons une très bonne surprise, non seulement il y a bien une liaison, mais en plus, pour le même prix nous pourrons avoir une cabine plutôt que de rester sur des fauteuils. Nous quitterons l’Iran dans le grand confort, quoi de mieux pour clore ce chapitre ?
La traversée aura été longue. Les distances sont beaucoup plus importantes qu’en Europe, et une certaine lassitude peu s’installer après plusieurs jours à pédaler dans le même paysage. En regardant les photos que nous avons prises durant ces presque 40 jours, je me souviens que nous y avons vécu des très beaux moments, fait des rencontres mémorables et admiré des paysages magnifiques. Souvent, le plus souvent, ces moments de plaisir ne seront par venus d’où on les attendait.
Il se dit qu’on va d’abord en Iran pour ses habitants. C’est également notre expérience. Nous avons bénéficié d’un accueil incroyable et avons fait des rencontres inoubliables, dans un pays où de nombreux habitants expriment les difficultés liées à l’embargo mais aussi, et de manière étonnamment spontanée, un certain ras-le-bol de la situation du pays.
Le trajet
Vendredi 26 octobre
Total climbing: 748 m
Samedi 27 octobre
Total climbing: 1088 m
Dimanche 28 octobre
Total climbing: 472 m
Lundi 29 octobre
Repos
Mardi 30 octobre
Repos
Mercredi 31 octobre
Total climbing: 1631 m
Jeudi 1er novembre
Total climbing: 1305 m
Vendredi 2 novembre
Total climbing: 634 m
Samedi 3 novembre
Total climbing: 496 m
Dimanche 4 novembre
Repos
Lundi 5 novembre
Repos
Mardi 6 novembre
Total climbing: 400 m