La trapersée (1)

Tout va bien. Ce long silence correspond à la traversée de l’Iran, du nord au sud, au temps qu’il aura fallu pour digérer – en partie – l’aventure et à celui qu’il aura fallu trouver pour écrire. Je m’étais dit que je n’écrirais pas avant la sortie du pays. Je ne savais pas quel serait mon accès à internet, dans quelle mesure je pourrais relater tout ce que je voulais et je souhaitais aussi passer moins de temps devant mon écran. Il y a beaucoup à dire de cette traversée et je ne suis pas encore arrivé au bout… Je vais donc essayer de la relater en plusieurs fois.

Il y a quelques jours, je suis tombé sur la page concernant l’Iran du site de conseil aux voyageurs de la diplomatie française, bien après que nous en ayons fini la traversée (https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/conseils-par-pays-destination/iran/#derniere_nopus). Nous aurions dû lire cette page avant, mais nous n’aurions sûrement pas fait le même voyage.

D’abord, nous avons abordé l’Iran depuis la Turquie, après un dernier au revoir au mont où s’échoua l’arche de Moïse Noé (quelle horrible erreur, à mettre sur le compte de ma crève).

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Le passage de la frontière s’est fait sans difficulté, si ce n’est que l’on m’a conduit dans un bureau à l’écart où un garde-frontière m’a enjoint de lui donner mon autre passeport… « l’américain ». Je me suis trouvé bien en peine de lui en procurer un, mais tout est rentré dans l’ordre après un petit quart d’heure d’attente où mon passeport (le seul et unique) passait de main en main sans que je comprenne bien pourquoi.

Une fois passée la frontière, les portraits des guides suprêmes Khomeini et Khamenei nous ont accueillis. Ils ne nous quitteront plus jusqu’à notre sortie, toujours quelque part dans notre champ de vision et, en cas de manque imprimé sur tous les billets de banque.

Nous avons pédalé dans la vallée de l’Araxe qui jouxte l’Arménie et le long de laquelle se trouvent d’anciens monastères, dont le Saint-Stephanos. Nous ne savions alors pas que la zone, marquant la séparation avec l’Arménie, était déconseillée par la diplomatie française.

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Notre intention était de camper au pied du monastère. Malheureusement, au moment de poser notre camp, un gardien nous informe que c’est interdit et que nous risquons de nous faire déloger par les militaires. Nous essayons quand même de trouver un coin discret, mais nous nous faisons rapidement repérer et devons nous résoudre à sortir de la vallée. Ce n’était pas prévu du tout : il fait nuit tôt et nous n’avons pas le temps de rejoindre Jolfa, première ville à l’extrémité de la vallée, avant que la visibilité soit nulle. Néanmoins nous n’avons pas le choix et nous mettons en route. Au bout de quelques kilomètres, les pneus de Lionel nous rappellent leur sensibilité – pneus à plat, il faut réparer, par deux fois, alors que déjà on ne voit plus rien. Heureusement, nous finissons par trouver un petit camping à bungalows où nous décidons de passer la nuit. Tous les cyclistes que nous avons rencontrés le long de notre parcours ont pris la même route. Aucun n’a rencontré de difficulté, mais aucun n’a cherché à dormir dans la vallée.

Lors de la demande de visa pour l’Iran, les touristes doivent indiquer les villes qu’ils comptent visiter. Nous avons indiqué les principales et notre demande a été acceptée. Le réseau routier iranien est peu développé mais en bon état général – il n’y a pas beaucoup d’axes secondaires et donc pas beaucoup de façons de se rendre d’un point à un autre, mais les voies sont roulantes. Malheureusement, par certains endroits, en particulier à l’approche des villes, la pollution est très sensible, les gaz d’échappement collent à la peau et tapissent les muqueuses. Le parc automobile iranien n’est pas particulièrement moderne (une voiture sur trois minimum est une Peugeot 405 blanche), les poids lourds crachent des fumées noires et l’essence est très bon marché. En revanche, si l’on a souvent entendu que les Iraniens conduisaient comme des fous, nous nous sommes le plus souvent sentis en sécurité sur la route. Malgré les dépassements impressionnants dont nous avons pu être témoins, les voitures et camions ont toujours laissé une bonne distance de sécurité avec nos vélos et la plupart des routes avaient un large bas-côté.

Petit à petit, nous faisons notre expérience de la légendaire hospitalité iranienne, souvent empreinte du t’aarof, un ensemble de règles de courtoisie propre à la région. Par exemple, dans des relations avec un commerçant, le principe en est que celui-ci nous dira que nous ne lui devons rien, nous insisterons, il insistera et ainsi de suite jusqu’à se qu’émerge plus ou moins naturellement si l’offre du commerçant est réelle ou une simple politesse. Le plus souvent, c’est une simple politesse. Au début, c’est charmant, à la longue c’est lassant. Cette coutume, ce type de relations, est très présente et pas seulement avec les touristes…

L’hospitalité et la générosité iranienne sont néanmoins réelles. Le site des Français à l’étranger déconseille aux voyageurs de rester chez l’habitant puisque ce serait interdit par les autorités. Cela ne semble pas inquiéter le moins du monde ceux que nous avons rencontrés. Nous avons été invités une multitude de fois, certaines fois juste pour la forme et d’autres fois par réel intérêt, et le couchsurfing est très développé. Tout le long de la route, on nous offrira des fruits, du pain, de la pâte de sésame, des gâteaux…

À Marand, après seulement 3 jours en Iran, un garçon nous parle anglais dans la rue et fait la fierté de sa mère. Plus tard, alors que nous gravissons un col, ils viennent nous chercher en voiture pour nous inviter à passer la nuit chez eux, ce que nous acceptons. Les grands-parents et la tante sont là, toutes les attentions sont sur nous et Lionel est ravi d’aller visiter le jardin familial et ses poules. Nous passons une très bonne soirée à déguster les boulettes maison et discuter avec tout le monde. Il ne s’agit pas là d’une simple politesse d’apparat, mais d’une réelle volonté de partager un moment avec nous.

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Ce moment restera comme l’un des plus beaux que nous ayons passé dans le pays.

Le trajet

Mercredi 10 octobre

Total distance: 81.06 km
Total climbing: 231 m

Jeudi 11 octobre

Total distance: 116.24 km
Total climbing: 737 m

Vendredi 12 octobre

Total distance: 81.24 km
Total climbing: 1122 m

 

 

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